Ancien médecin-chef du Raid, acteur majeur lors des attentats du Bataclan, Matthieu Langlois a participé à la première édition des conférences organisées par les Pompiers13. Doctrine, adaptabilité, retour d’expérience, interservices… au cœur de ces échanges marqués aussi par l’émotion.
« Retour service ». C’est ce SMS laconique mais annonciateur du pire, reçu en plein concert (un autre), qui va informer Matthieu Langlois, alors médecin-chef au Raid, que des attentats viennent de se dérouler à Paris. Stade de France, terrasses, Bataclan. La France ne sait pas encore qu’un séisme l’attend, avec de multiples répliques. La France ne sait pas encore qu’en un sens, rien ne sera plus jamais pareil. La France n’oubliera plus jamais le 13 novembre 2015. Un peu plus tard, enfilant son gilet lourd, ce médecin rompu aux situations les plus difficiles (il était présent notamment pour l’assaut donné contre l’appartement de Mohammed Merah, à Toulouse, en 2012) se dit que ça ne va pas être une bonne soirée. Ce sera une nuit terrible, inimaginable, qui va mobiliser les services de secours et les forces de l’ordre, et que Matthieu Langlois a relaté avec pudeur et réalisme dans son ouvrage « Médecin du Raid, Vivre en état d’urgence », paru aux éditions Albin Michel.
Médecin-anesthésiste, Matthieu Langlois a travaillé avec le Samu, rejoint la police nationale en 2007 et vécu plusieurs interventions historiques, avant d’être engagé sur les attentats du 13 novembre. C’est cette nuit et ce qui va en découler, qu’il est venu relater lors d’une conférence interne organisée par les Pompiers13, au centre de formation départemental, accompagné sur le plateau du contrôleur général Grégory Allione, chef de Corps des Pompiers13, du colonel Christian Poirel, médecin-chef des Pompiers13, et enfin du chef de l’antenne Raid de Marseille. Une nuit faite de choix et d’arbitrages à opérer, une succession de décisions à prendre, de priorités à établir. Une nuit où il a fallu sauver, prioriser les victimes, évacuer la fosse et les étages du Bataclan dans lesquels se trouvait une cinquantaine d’otages en stress aigu. Il fallait aussi acheminer au plus vite les blessés jusque dans les hôpitaux parisiens, fluidifier le transport… le tout dans des conditions d’intervention délicates. Mais « si toi tu ne fais pas le job, personne ne le fera à ta place », avait alors songé Matthieu Langlois. Avec humilité, celui-ci retrace les actions menées cette nuit, évoquant aussi la doctrine, la formation, la médecine tactique, l’importance du retex qui doit être le plus objectif possible car « la crise, elle, ne triche pas ». Il est si important de regarder la vérité en face. Devait commencer alors ce que Matthieu Langlois appelle « l’après-Bataclan », cette phase nécessaire pour penser le soutien aux intervenants, penser le collectif, penser encore et toujours l’anticipation, la technicité, penser aussi l’acheminement des victimes… « Il ne faut pas se mentir quand on fait du retour d’expérience, il faut aborder aussi ce qui a moins bien fonctionné ». Une position partagée par Grégory Allione, qui évoque ensuite l’adaptabilité et même « l’agilité », l’intelligence collective, l’importance de la formation qui permet de « connaître suffisamment ses gammes pour se donner cet espace de liberté qui fera la différence, dans des moments où il faut prendre une décision en quelques secondes ».
Devant une centaine de personnes attentives, les participants de cette conférence-débat ont partagé l’impérieuse nécessité que les citoyens français soient formés aux gestes de premiers secours, « car dans de telles situations c’est absolument essentiel », a redit le colonel Christian Poirel. Et ces attentats de 2015, qui ont fait de nombreuses victimes et concerné plusieurs sites, ont mis en évidence tout à la fois la nécessité de prendre en compte les nouvelles menaces, de penser la sécurité des intervenants, d’apporter des réponses globales, de développer l’interservices car « cela n’a pas de prix, de se connaître et d’échanger, quand nous intervenons ensemble », pour le chef de l’antenne Raid Marseille. C’est cette confiance, cette connaissance de l’autre et de ses pratiques, ce dialogue, qui permettent de bâtir des réponses globales et d’être efficaces. De servir le public, en somme. Car ce qui compte pour tous ces intervenants, quelle que soit la couleur de leur uniforme et de leur engagement, c’est bien de sauver des vies. Et d’en sauver le plus grand nombre.