Le 8 novembre dernier, les sapeurs-pompiers des Bouches-du-Rhône ont organisé au Centre de formation départemental une matinée de sensibilisation au dépistage des cancers. Cet événement a vu le jour sous l’impulsion d’Hanane Chadli Mauricio, chef du service évaluation au sein du groupement Qualité, pilotage et prospectives, elle-même touchée par la maladie en 2023. Elle a souhaité à la fois sensibiliser ses collègues mais également porter un message d’espoir. Des témoignages bouleversants et des échanges avec des professionnels de santé ont marqué ces rencontres, animées par Sèverine Battesti-Pardini, rappelant l’importance de la prévention et du dépistage.
Cette matinée a débuté par les mots du colonel Jean-Luc Beccari, directeur des Pompiers13, saluant l’initiative d’Hanane qui a porté ce projet rassemblant de nombreux agents du Sdis 13. Le directeur a rappelé que « tout le monde est concerné de près ou de loin par ces sujets du dépistage, par cet accompagnement, par ces traitements et l’impact de la maladie sur les proches, la famille, d’où l’importance de la prévention ». Le colonel Beccari a clôturé ses propos en soulignant le courage de celles et ceux qui ont accepté de témoigner.
Avant de démarrer les tables rondes, un quiz a permis d’évaluer les connaissances des agents sur les dépistages organisés proposés à la population, avec un éclairage du médecin-chef des Pompiers13, Christian Poirel.
Prévenir pour sauver des vies : un message fort porté tout au long de la matinée
La première table ronde, axée sur les cancers féminins et plus spécifiquement sur le cancer du sein, a réuni le Dr Max Buttarelli, chirurgien à l’Institut Paoli-Calmettes et spécialisé en cancer féminin, le Dr Christian Poirel, ainsi que trois témoins : Vanessa Cappatti, Sandrine Consigney et Élodie Peylissier.
À l’occasion de cette première table ronde, le Dr Buttarelli a expliqué que les dépistages s’adressaient aux personnes en bonne santé, qui n’ont aucun symptôme. « Le dépistage est une autre démarche que celle du diagnostic ». L’objectif est de dépister le plus tôt possible les cancers afin de bénéficier de plus grandes chances de guérison. « Le cancer du sein est la première cause de mortalité chez la femme. Mais détecté précocement, il se guérit dans 98% des cas », a indiqué le Dr Buttarelli. Ce dépistage organisé des cancers du sein s’adresse aux femmes de 50 à 74 ans, avec un contrôle tous les deux ans. Sauf si la patiente a un terrain génétique.
C’est avec pudeur que les témoignages se sont entrecroisés. Autour de la table, Vanessa Cappatti, à qui le corps médical a diagnostiqué un cancer du sein à l’âge de 37 ans. Elle a confié le bouleversement qu’elle a ressenti à l’annonce du diagnostic : « Au moment où on m’a diagnostiqué mon cancer du sein, ma maman était en récidive d’un cancer des ovaires. Quand mon médecin me l’a annoncé, j’ai vécu cela comme un tsunami. J’ai immédiatement ressenti que je basculais dans le monde des patients qui ne sont plus en bonne santé ».
Vanessa sent sa vie basculer et sa première crainte a été de l’annoncer à sa fille. « Après la phase de l’annonce, j’ai été pris par un autre tsunami : celui des soins, de l’opération, du protocole ». Elle raconte qu’elle a pris cette maladie comme un avertissement et qu’elle a changé certaines habitudes dans sa vie (activité physique, alimentation, gestion des émotions…). Elle a ainsi décidé de transformer cette épreuve en force. « La vie m’a laissé une seconde chance. Je me suis donc dit que j’allais faire de cette épreuve quelque chose de positif ». Et de conclure : « j’ai fait de moi ma première priorité absolue ».
Le Dr Buttarelli a rebondi sur ce premier témoignage en évoquant l’importance de l’accompagnement et la force du collectif durant la maladie. La phase complexe reste le vide vécu par les patients à la fin du protocole thérapeutique. Pour illustrer son ressenti, Vanessa a fait un petit clin d’œil à la chanson de Gilbert Bécaud : « Et maintenant… Que vais-je faire ? » « Il existe de nombreuses consultations : des consultations d’annonce, des consultations de suivi. Car la patiente a besoin de temps pour assimiler toutes les informations que l’on donne. Il ne faut pas oublier que c’est un choc énorme dans une vie. Ces structures d’accompagnement sont essentielles », a précisé le Dr Buttarelli.
C’est ensuite Sandrine Consigney qui, avec un humour désarmant, a partagé son expérience. Elle découvre un matin une grosseur sous la douche et réalise des examens dans la foulée. À partir de là, tout s’enchaîne très vite. « Je me suis retrouvée à ne pas tout comprendre. Les premières choses qui me sont venues à l’esprit c’est ‘ j’ai mes réunions, des courses faire, comment je vais faire ?’. Jusqu’au moment où une assistante médicale m’a donné une liste avec tous mes rendez-vous médicaux. Pour la première fois de ma vie, j’ai laissé quelqu’un d’autre me dicter ce que je devais faire. Je suis restée accrochée à cette feuille ; j’ai rencontré des personnes extraordinaires et la prise en charge a été très rapide ».
Comme Vanessa, l’un de ses premières pensées a été pour son fils et la façon de lui annoncer sa maladie. Avec son humour légendaire, Sandrine raconte comment elle a surfé sur la tendance du moment : les Avengers. « C’était assez pratique parce que le porte à cath était un bouton Avengers de super-héros », s’est remémoré Sandrine. Perdre ses cheveux après les chimiothérapies n’a pas été un problème non plus pour celle qui s’est faite appeler « Playmobil » par son fils lorsqu’elle portait la perruque. « Maman, tu peux mettre ta perruque pour sortir ? Mais mets la droite s’il te plaît. »
« J’ai décidé que je n’étais pas malade mais que j’étais atteinte d’une maladie », a expliqué Sandrine Consigney. « C’est quelque chose que je n’ai pas choisi et il a fallu que je m’arme de patience ». Sandrine a rappelé la chance d’avoir en France un système de santé qui couvre les soins : « L’État français a dépensé un certain nombre de sac Louis Vuitton pour moi ».
Le docteur Poirel a ensuite rappelé l’importance de la confiance entre le patient et son médecin, à la fois au moment de l’annonce mais aussi pour les soins qui vont suivre. « Ce sont l’adhésion et la confiance en son médecin qui sont essentielles ».
Cette première table ronde s’est clôturée par le témoignage d’Élodie Peylissier, 29 ans aujourd’hui. Un matin, Élodie ressent une douleur et découvre en se palpant une petite boule. Étant donné ses antécédents familiaux, elle consulte rapidement pour une échographie et une mammographie, suivies d’une biopsie. Et là, le verdict tombe : cancer du sein. Dès le départ, Élodie opte pour l’optimisme et accueille cette nouvelle avec humour : « si on me fait l’ablation des deux seins, ce n’est pas grave, je me ferai refaire la poitrine gratuitement ».
Tout se bouscule avec une prise en charge rapide à l’Institut Paoli-Calmettes : IRM, PET-scan, biopsie sous IRM, chimiothérapie… Élodie fait tout de même le choix de continuer à travailler. Elle est restée opérationnelle jusqu’au moment où elle a attaqué les chimiothérapies et ensuite, elle prenait des gardes au standard à la caserne. « Les études démontrent que les personnes qui s’en sortent le mieux sont celles qui gardent une vie active », a expliqué le Dr Buttarelli. Neuf femmes sur dix guérissent d’un cancer du sein s’il est dépisté à un stade précoce.
Des témoignages qui démontrent que chaque personne vit la maladie différemment et traverse ce tourbillon à sa façon. Des témoignages emplis de courage, d’espoir et ponctués d’humour. Des témoignages qui ont touché l’ensemble des agents présents au CFD ou en visio.
Un engagement collectif et solidaire pour la vie
Cette matinée a aussi été l’occasion de mettre en lumière l’importance de la solidarité. C’est à ce titre que l’association aubagnaise « T’Hâtez-vous » est intervenue pour parler de prévention, de dépistage et de palpation. Joëlle, Manon et Anaïs ont répondu présentes bénévolement. « C’est notre quotidien au sein de l’association. Nous sommes présentes à l’occasion de nombreux événements organisés dans le département », a introduit Joëlle.
L’association a été créée en 2017, à la suite du décès de la fille de Joëlle d’une récidive de cancer du sein, à l’âge de 30 ans. « Nos actions sont menées sous un mode festif et optimiste, nous sommes toujours associées à des manifestations sportives et culturelles. L’association a trois principales missions : promouvoir le dépistage organisé, développer la technique d’autopalpation et collecter des fonds pour financer la recherche », a ajouté Joëlle.
Toutes les ventes de l’association ainsi que les dons sont reversés à l’IPC. Anaïs, infirmière bénévole de l’association, a fait une démonstration d’autopalpation sur le buste appelé « Seindy » (vous aurez compris le jeu de mot). En 2023, l’association a reversé 28 000 euros à l’IPC. Cette année, ce sera 40 000 euros qui vont servir à financer la recherche. À l’occasion cette première édition des rencontres de la sante, les agents du Sdis 13 ont également pu apporter leur pierre à l’édifice : grâce à la vente de goodies et des dons réalisés sur place, ce sont 600 euros qui ont été collectés au profit de l’association.
Un accompagnement sur-mesure des agents du Sdis 13
Avant de démarrer la seconde table ronde, les agents du Sdis 13 qui gèrent l’accompagnement d’un collaborateur malade ont pu se présenter à l’assemblée : Gilles Ricci, Christine Lopez et Virginie Autin du service Solidarités, ainsi que Céline Martinelli du service Hygiène et prévention des risques professionnels, sans oublier Élodie Faugère, l’assistante sociale. Ce soutien de l’établissement se traduit au quotidien par des actions concrètes au profit des agents. Chacun a ainsi expliqué son rôle dans ses missions d’accompagnements des agents en maladie.
Prévenir et soigner les cancers masculins
Sèverine Battesti-Pardini a par la suite invité les intervenants de la seconde table ronde dédiée aux cancers masculins avec un focus sur le dépistage organisé du cancer colorectal. Dr Fabrice Caillol, chef du service endoscopie à l’IPC, Corinne Capaldi, psychologue au Sdis 13, Dr Christian Poirel ainsi que les quatre témoins (Stéphane Mari, Philippe Petit, Sébastien Decugis et Alain Bernard) ont pris place à la table ronde.
Dans le cas du cancer colorectal, il existe deux types de dépistage : le dépistage avec recherche de sang dans les selles et la coloscopie. « Pour la première forme de dépistage, il s’agit d’un dépistage de masse. La coloscopie est un examen un peu plus invasif et qui se pratique notamment lorsqu’il y a des antécédents familiaux », a exposé le Dr Caillol. Comment s’effectue la démarche pour le dépistage organisé ? Dès 50 ans, les hommes et les femmes reçoivent un courrier à domicile et doivent se rapprocher de leur médecin traitant afin de récupérer l’enveloppe avec la démarche à suivre. Il suffit ensuite de faire le test chez soi et de l’envoyer gratuitement par La Poste afin qu’il soit analysé.
Place aux témoignages. Le premier, celui de Stéphane Mari, qui s’est confié sur son cancer de la prostate. Une annonce qui a eu lieu dans un moment particulier de sa vie : il était veuf avec deux enfants (sa femme étant décédée d’un cancer, trois ans auparavant). « J’ai décidé de le cacher à mes enfants pour ne pas leur faire peur ». Aujourd’hui, Stéphane est guéri et il est suivi chaque année : « on a toujours une épée de Damoclès au-dessus de sa tête ». Il a tenu à sensibiliser ses collègues masculins : « Ce qui m’a sauvé, c’est d’avoir été dépisté tôt ». Un événement qui lui a permis de relativiser et d’opter pour une nouvelle philosophie de la vie : « On voit la vie d’une autre façon et moi, j’ai décidé de la croquer à pleine dent ».
Un autre témoignage, celui de Sébastien Decugis, qui, comme Stéphane Mari, perd sa femme d’un cancer. Durant cette période difficile, alors qu’il n’avait aucun symptôme et aucun antécédent, il décide de faire un check-up… Les examens révèlent un cancer de la prostate. Sébastien reconnaît la chance qu’il a eu de bénéficier de ce dépistage précoce grâce auquel « je suis là aujourd’hui devant vous. J’ai voulu témoigner pour que mon expérience serve aux autres et pour convaincre de l’importance du dépistage ».
Philippe Petit a ensuite livré son témoignage : « j’ai un cancer particulier : un myélome. Un cancer qu’on ne sait pas guérir. Je passe de rémission en rémission et quand je vois mon hématologue, son seul souci, c’est la rémission. Pas la guérison. L’épée de Damoclès, je l’ai depuis plus de dix ans ». Il a expliqué son parcours : des soins à l’autogreffe à l’IPC en passant par ses arrêts maladies et sa reprise à mi-temps thérapeutique. « Aujourd’hui, j’ai un essai thérapeutique à l’IPC. Je les remercie car je ne bénéficie de toutes les avancées au niveau de la recherche. L’IPC est devenu ma deuxième maison ». Il est très reconnaissant du système de soins français au vu des traitements dont il a pu bénéficier. Il apprend à vivre avec sa maladie et lorsqu’il ne se sent pas bien, il avoue trouver du réconfort dans l’associatif et au sein de l’École des jeunes sapeurs-pompiers : « Les JSP c’est ma deuxième thérapie. J’ai aussi ma famille et mes amis, bien évidemment ». Il a également souligné l’importance de l’Union départementale qu’il a remercié de son soutien sans faille. « Le Sdis 13 apporte énormément entre l’assistante sociale, les RH mais nous avons aussi la chance d’avoir un formidable réseau associatif que sont les amicales et l’Union départementale parce qu’ils participent au fait qu’on aille mieux, aussi bien moralement que financièrement », a exprimé Philippe Petit avec beaucoup de gratitude. Et de rajouter : « Nous devons perpétuer les valeurs de solidarité et d’entraide de notre corporation ».
Le dernier témoignage des rencontres était celui d’Alain Bernard, qui a été sensibilisé au dépistage du fait de son environnement familial. « J’ai perdu mon papa du cancer du côlon. C’était un ancien, comme on en connaît beaucoup, qui n’allait pas souvent chez le médecin et qui n’a pas fait les tests préconisés. Il a été diagnostiqué trop tard. Pour moi, le seul moyen de vaincre la maladie, c’est de se faire tester régulièrement ». La perte de son père lui a permis d’en tirer des leçons et il prône aujourd’hui les dépistages afin d’être diagnostiqué de manière précoce. « On se croit invincible mais cela peut arriver à n’importe qui n’importe quand ».
La rencontre s’est clôturée par la conclusion de Richard Mallié, président des Pompiers13, qui a souligné l’importance de ces témoignages et des dépistages. « Ces témoignages permettent de comprendre qu’il faut désacraliser la maladie. Le fait d’en parler est déjà un pas en avant ». Il a poursuivi en évoquant le progrès médical grâce auquel on soigne mieux et on sauve plus de vie. La prévention est une démarche fondamentale selon le président. « Même si le curatif coûte de l’argent, cela coûte moins cher que les soins ». Et de finir : « Nous avons la chance au Sdis 13 d’avoir la médecine professionnelle. Poursuivez la prévention, c’est essentiel. Et surtout passez le message ».
Ainsi s’est clôturée cette matinée pas tout à fait comme les autres qui s’est illustrée par des témoignages courageux et authentiques. Une matinée qui était placée sous le signe du partage, de l’émotion, de l’espoir… en un mot : de la VIE !
Et n’oubliez pas : le dépistage peut vous sauver la vie !