Le 5 août dernier, le département de l’Aude était touché par un incendie historique, parcourant plus de 16 000 hectares. Un chantier dimensionnant marquant à plus d’un titre.
Plus de 16 000 hectares parcourus, dont 11 000 brûlés selon un dernier bilan. Il est clair qu’au regard de ces chiffres, l’incendie meurtrier qui s’est déclaré dans l’Aude, le 5 août dernier, est l’un des plus gros feux de l’histoire en France. Un chantier titanesque, qui a mobilisé des milliers de pompiers dans tout l’Hexagone, dont les Pompiers13, engagés en colonnes de renfort. Parmi eux, le commandant Stéphane Mozziconacci, le commandant Grégory Coutarel et l’adjudant-chef Cyril Bonnardel. Retour sur de nombreuses heures de travail et de solidarité au milieu des flammes.
« Cela faisait penser à un volcan »
« J’étais d’astreinte ce jour-là et j’ai finalement été engagé pour constituer une colonne de renfort au profit du Sdis de l’Aude », commence le commandant Mozziconacci. « La constitution de la colonne de renfort s’est faite en réaction, c’est-à-dire que le choix qui a été fait par notre chef de Corps, le colonel Jean-Luc Beccari, était d’engager les premiers moyens disponibles au profit de l’Aude. Et on peut dire que le choix a été pertinent. » Car sur place, c’est bien « un feu d’une dimension exceptionnelle » qui attendait tous les personnels mobilisés.
« Ce qui était particulier, c’est qu’on a vu le feu bien avant d’arriver sur les lieux », poursuit Stéphane Mozziconacci. « À plusieurs dizaines de kilomètres sur l’autoroute, je voyais déjà ce panache exceptionnel qui venait du sol. C’est la première fois que j’en vois un comme ça. » Un sentiment partagé par le commandant Coutarel, arrivé quelques heures plus tard après avoir été engagé en renfort de commandement. « On est arrivés à proximité du chantier le lendemain, sur les coups de six heures du matin. On voyait déjà le panache alors qu’on était à 70 km de notre destination… Cela faisait penser à un volcan. »
Pour l’adjudant-chef Cyril Bonnardel, intervenu lui aussi quelques heures après le début du chantier, « on se rend compte de l’ampleur de la superficie brûlée une fois arrivés sur les lieux. » Alors qu’il était de dispositif préventif en tant que chef de groupe l’après-midi où il a reçu l’appel, il a été engagé dans le cadre d’un groupe d’appui forestier des Bouches-du-Rhône parti en renfort. « Notre rôle était d’ouvrir des pistes et de traiter des lisières pour éviter l’extension du feu. En tant que Pompiers13, on était là pour la sécurité des forestiers-sapeurs mais aussi pour empêcher les reprises de feux. » Un travail précieux, à plus d’un titre.
« Ne jamais laisser place au doute »
Conscients d’être face à l’un des plus gros feux de l’histoire, les Pompiers13, comme les autres personnels sur le terrain, ont œuvré de toutes leurs forces dans cette bataille titanesque. « Il ne faut jamais laisser place au doute », comme le rappelle le commandant Coutarel. « Il faut tout mettre en œuvre, justement, pour réussir à contenir le feu. On peut le contenir en une heure, deux heures, dix heures… Là, il a fallu plusieurs jours pour réussir à le fixer mais le plus important, c’est de ne jamais baisser les bras, de travailler en permanence et d’anticiper, aussi en fonction, des conditions météo. On le doit à la population et on se le doit à nous-mêmes car c’est pour ça que nous sommes là », poursuit-il, prenant en compte également la spécificité hors normes du sinistre dans un département bien différent des Bouches-du-Rhône.
« C’est différent de ce qu’on peut connaître dans notre département, que ce soit en termes de couverture opérationnelle, de territoire et de moyens à disposition. Et puis, la mise en place de l’organisation de la chaîne des secours sur le terrain est tributaire de l’évolution du sinistre, qui évoluait à des vitesses de l’ordre de 5 000 à 6 000 m/h. Quand nous sommes arrivés, on s’est retrouvés face à une situation qui était complètement apocalyptique », ajoute-t-il. « Dans ces situations-là, on fixe des priorités », complète Stéphane Mozziconacci. « Oui, il y a des doutes constants quant au feu de végétation en lui-même mais pas sur le fait que la protection des populations et des habitations est notre priorité. » Pour ce faire, la coordination et l’anticipation sont la clé de tout, dans un trousseau où s’entremêlent également la confiance et la communication.
« Durant notre transit, on était constamment en relation avec les différents groupes et le soutien sanitaire qui constituaient notre colonne de renfort », poursuit le commandant Mozziconacci. « Puis, à un moment donné, on m’informe pour me dire que l’un de nos groupes d’Intervention feux de forêt (Giff) venu d’Arles est engagé seul pour défendre le village de Villesèque-des-Corbières. Là, je leur dis que j’ai toute confiance en eux, qu’ils sont autonomes jusqu’à notre arrivée… et ils ont fait du super travail ! On les a rejoints, dans des conditions particulières, entre la nuit et la cendre. »
Le travail de nuit
La nuit, justement, n’est pas de tout repos pour tout pompier confronté aux feux de forêt. « C’est plus compliqué, on voit moins les obstacles et ça nous demande plus d’attention. C’est plus fatiguant, plus dangereux mais il faut y aller, ça fait partie du job », confie l’adjudant-chef Bonnardel. « C’est toujours particulier », renchérit le commandant Mozziconacci. « On a une amplification des phénomènes car on voit les flammes beaucoup plus grandes, on se localise plus difficilement et il y a tout un travail de communication à faire avec ses personnels. Il faut aussi faire attention aux populations qui se déplacent mais aussi aux animaux. Sur ce feu, il y avait par exemple des chevaux qui se baladaient dans le village que l’on protégeait. »
« À partir de 21h, on n’avait plus de moyens aériens. On a pu en bénéficier jusqu’au bout », reprend le commandant Coutarel. « On a eu une meilleure visibilité du sinistre la nuit, car les flammes sont plus visibles, mais la difficulté était vraiment de trouver les accès pour aller chercher le feu. On ne connaissait pas trop le secteur, même si on l’a découvert au fil de l’eau pendant la journée. Mais il y avait très peu de pistes, certaines n’étaient même pas indiquées et ça a été particulièrement périlleux. »
« Le feu, c’est vraiment l’affaire de tous »
Malgré le danger, les Pompiers13, comme leurs homologues venus des autres départements, ont pu compter sur le soutien extraordinaire des populations présentes sur place. « Les gens n’arrêtaient pas d’applaudir à chaque fois que passait un véhicule, ils ont été d’une bienveillance avec les secours… C’était époustouflant », raconte Grégory Coutarel, qui enchaîne : « Il n’y a pas eu une maison où la porte n’était pas grande ouverte, avec des boissons, sandwiches, la possibilité prendre une douche… Il y avait une grande solidarité de la population et c’était d’autant plus marquant que certains avaient tout perdu, comme cet agriculteur qui nous a proposé son aide avec le seul engin qui lui restait pour faire du terrassement. »
« On a eu une énorme solidarité des gens sur place. Tous les gens nous ont accueil, nourri… Ils ont été très gentils ! C’était exceptionnel », abonde Cyril Bonnardel. « On nous a rouvert des commerces pour nous apporter de la nourriture et des boissons », renchérit Stéphane Mozziconacci. « Nous, on était tellement accaparés par nos missions qu’on avait du mal à prendre le temps d’aller manger. Mais les locaux nous disaient : ‘allez-y, ça va leur faire plaisir. Si vous ne venez pas, les gens vont être déçus, ils ont besoin de vous aider’. C’est là qu’on voit que le feu, c’est vraiment l’affaire de tous. Car ça touche aux biens mais aussi à la vie et aux valeurs de la population. »
Cette bienveillance de tous les instants restera à coup sûr gravée dans la mémoire du commandant Mozziconacci, du commandant Coutarel et de l’adjudant-chef Bonnardel. Comme la dimension de ce feu devenue malheureusement historique. « Dans les Bouches-du-Rhône, mes collègues et moi avons été confrontés à des feux complexes par le passé, que ce soit sur du feu de forêt ou du feu industriel. Mais celui-ci… La superficie brûlée était colossale, c’est le feu le plus dimensionnant de ma carrière », confesse Stéphane Mozziconacci. « En termes de superficie, c’est le plus gros chantier sur lequel je suis intervenu », complète Cyril Bonnardel. Quant à Grégory Coutarel : « C’est le plus gros feu sur lequel j’ai été amené à intervenir », lâche-t-il, avant de conclure : « Depuis 1996, j’ai participé à toutes les campagnes feux de forêt. Mais là… L’étendue de ce sinistre était sans commune mesure. »